Les data centers peuvent être définis comme des installations dédiées à l’hébergement d’infrastructures informatiques et télécoms, nécessaires à la gestion, au traitement et au stockage des données. Ils représentent environ 2% de la consommation énergétique en Europe.
Si la tendance actuelle se poursuit, ce chiffre pourrait s'élever à 5 % d'ici 2030, et potentiellement bien davantage avec l'essor accéléré de l'Intelligence Artificielle. Sur le plan juridique, l’enjeu énergétique réside dans la mise en place de solutions durables, notamment via l’utilisation d’énergies renouvelables, pour répondre à la demande croissante en électricité. Les réglementations encouragent la réduction de l’empreinte carbone et la conformité aux normes environnementales, rendant stratégiques les choix énergétiques des opérateurs.
Les opérateurs doivent non seulement se conformer aux contraintes « classiques » liées à la sécurité et à la disponibilité de leurs installations, mais aussi répondre à des enjeux environnementaux. Depuis plusieurs années, l’Union européenne impose des normes spécifiques visant à réduire l’empreinte carbone, la consommation d’eau et d’énergie et à favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables. Dans ce cadre, les data centers peuvent recourir aux Corporate Power Purchase Agreements (CPPA) ainsi qu’à la valorisation de la chaleur résiduelle, pour soutenir une performance énergétique durable.
Le contexte juridique français est largement influencé par le cadre règlementaire européen qui impose des objectifs de plus en plus ambitieux d’un point de vue d’optimisation énergétique.
En France, 315 data centers ont été recensés en 2024 et plus de 6 milliards d’euros d’investissements ont été annoncés lors du sommet « Choose France » en mai 2024. Répartis principalement en Île-de-France, dans la métropole de Marseille et dans les Hauts-de-France, ces projets témoignent d’un intérêt économique majeur. Afin de mettre en place un cadre juridique plus développé, une proposition de loi visant à faciliter le raccordement de ces nouvelles installations tout en réduisant l’impact sur le réseau de transport et en utilisant mieux la chaleur résiduelle de ces installations a été déposée en février 2025. Cette volonté législative illustre l’importance stratégique et juridique de l’anticipation des besoins énergétiques des data centers.
Au fil des années, l’Union européenne a publié plusieurs directives pour promouvoir l’efficacité énergétique et l’utilisation d’énergies renouvelables au sein des data centers.
La Directive sur l’efficacité énergétique (2012/27/UE) impose des mesures contraignantes pour stimuler l’efficacité énergétique et réduire la consommation d’énergie, notamment au sein des data centers. Elle prévoit notamment des obligations d’audit énergétique et de mise en place d’actions d’optimisation, ainsi que la production de rapports sur la consommation et les économies réalisées. Sur le plan contractuel, ces exigences se traduisent par l’intégration de clauses relatives à l’efficacité énergétique et aux critères ESG, susceptibles d’influencer les conditions de financement et la compétitivité des opérateurs.
La Directive sur l’efficacité énergétique (DEE) (2023/1791) remplacera la Directive de 2012 à partir du 12 octobre 2025. Elle prévoit des mesures de surveillance et instaure des compte-rendu spécifiques pour les data centers qui ont un besoin d’énergie d’au moins 500 kW, ainsi qu’une obligation pour les Etats-membres d’encourager les propriétaires et les exploitants de data centers avec une demande d’énergie d’au moins 1 MW à se conformer à des documents de bonnes pratiques.
Cette directive crée également une base de données européenne récoltant et publiant des données pertinentes pour la performance énergétique et l’empreinte eau des data centers. Le classement devrait avoir un impact sur la compétitivité des datacenters et faciliter l’accès au financement pour les bons élèves.
Il est à noter que l’Allemagne a déjà transposé la directive et a mis en place des seuils contraignants pour l’utilisation d’énergies renouvelables dans les datacenters : les opérateurs doivent couvrir leur consommation d’énergie à partir du 1er janvier 2024 avec 50 % d’électricité non subventionnée provenant de sources renouvelables, et cette obligation atteindra les 100% à partir du 1er janvier 2027 . Il reste à voir si les autres pays suivront cet exemple en imposant des seuils similaires.
La Directive sur les énergies renouvelables de 2023 (RED III) crée quant à elle des objectifs d’énergies renouvelables contraignants pour les Etats membres et esquisse des mesures afin de promouvoir leur utilisation. Les data centers pourraient être incités voire contraints par le législateur national de sourcer un pourcentage de leur consommation d’énergie via des sources renouvelables afin de respecter les dispositions de RED III.
Plusieurs mécanismes juridiques et solutions techniques peuvent être envisagés pour renforcer la durabilité énergétique des data centers :
- Corporate Power Purchase Agreement (CPPA) : il s’agit de contrats à long terme conclus avec des producteurs d’énergie renouvelable, permettant aux data centers de sécuriser un approvisionnement en énergie et de répondre aux obligations légales en matière d’énergies renouvelables. A la différence des contrats d’approvisionnement en énergie « classiques », la conclusion de ces accords est généralement moins standardisée et nécessite souvent des négociations longues.
- Hydrogène vert : il peut remplacer les groupes électrogènes diesel de secours ou même constituer la principale source d’alimentation, en conformité avec les objectifs de décarbonation et de réduction des émissions soutenus par la réglementation européenne et française. Il faut néanmoins noter que la production et le stockage d’hydrogène vert sont coûteux, ce qui constitue un frein non négligeable pour les opérateurs de data centers.
- Chaleur fatale : conformément à RED III, la récupération et la valorisation de la chaleur fatale issue des data centers devient un impératif. Cette chaleur peut être réinjectée dans les réseaux de chauffage urbain ou transférée à des bâtiments adjacents, contribuant ainsi à la performance énergétique globale de l’installation. Cependant, selon l’emplacement géographique du datacenter, l’utilisation de la chaleur fatale n’est pas toujours possible. De plus, la mise en œuvre de ces systèmes de récupération nécessite une intégration complexe avec les systèmes de refroidissement existants et peut nécessiter des modifications substantielles des infrastructures actuelles.
Le secteur des data centers en France et en Europe est à la croisée d’investissements conséquents et d’exigences réglementaires renforcées. Les analystes prévoient une forte progression de la demande en énergie, portée par l’essor du numérique et l’utilisation de l’Intelligence Artificielle.
Les spécialistes de Bird & Bird en droit de l’énergie sont à la disposition des opérateurs de data centers pour toute question relative à ces obligations.