La réquisition illustre la capacité de l'État à mobiliser des ressources (biens, services et personnes) dans l'intérêt public, qu’elle soit civile ou militaire elle constitue un pouvoir essentiel de l'État dans le cadre de l'intérêt général et dans des circonstances exceptionnelles.
Le Code de la défense établit identifie quatre catégories de réquisition : celles concernant une personne physique, une personne morale, un bien, ou un service. Trois types de réquisitions sont également identifiables au sein de ces catégories :
La première réglementation en la matière, toujours en vigueur, est la loi du 3 juillet 1877 relative aux réquisitions militaires. L'adaptation des réquisitions aux conflits modernes, comme les cyberattaques ou les tensions dans l’espace extra-atmosphérique, témoigne de la volonté de l'État d'anticiper les menaces contemporaines.
La loi de programmation militaire pour 2024-2030 votée en juillet 2023 prévoit des dispositifs plus souples pour répondre rapidement aux besoins des forces armées et civiles, tout en intégrant des technologies de pointe dans le cadre de la défense nationale. Avec l'évolution des conflits modernes la réquisition s'étend aujourd'hui à des secteurs technologiques de pointe tels que l'utilisation d'objets spatiaux. Cela implique une collaboration étroite avec des entreprises du secteur spatial et des opérateurs de satellites, qui peuvent être contraints de fournir des services essentiels en temps de guerre.
Les articles L2221-1 à L2221-6 du Code de la défense traitent expressément des réquisitions en matière spatiale. À titre d’exemple, l’article L2221-1 dispose : « Lorsque la sauvegarde des intérêts de la défense nationale le justifie, l'État peut obtenir, par accord amiable ou par réquisition : 1° La fourniture de prestations de services directement fondées sur l'utilisation d'un objet spatial ; […] ». Ces précisions s’inscrivent dans l’esprit de la réquisition comme mobilisation des compétences physiques, psychiques et professionnelles.
En cas de guerre, les citoyens français peuvent-ils être réquisitionnés ?
Si la réquisition militaire est historiquement la plus ancienne, la réquisition civile, quant à elle, joue un rôle tout aussi important dans la gestion des crises publiques.
La réquisition de personne, également appelée réquisition « d’emploi » ou « d’usage », est soumise à la loi du 11 juillet 1938 et à l’ordonnance n°59-147 du 7 janvier 1959. Cette forme de réquisition concerne « nommément une personne ou un groupe de personnes appartenant à une entreprise, à un service public ou à un ensemble d'entreprises de même catégorie ».
Ainsi, la réquisition de personnes constitue un acte administratif unilatéral par lequel une autorité publique impose à une personne physique (toute personne présente sur le territoire national, y compris les Français résidant à l’étranger), de manière contraignante, d'exécuter une activité déterminée pour un motif supérieur d’intérêt général. Les entreprises peuvent également être tenues de mobiliser leurs ressources humaines (et matérielles) pour répondre aux besoins de l’autorité.
Le refus d’obtempérer est sévèrement sanctionné : les contrevenants risquent jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende. L’autorité peut également procéder à des réquisitions d’office sans consentement. Ces réquisitions doivent néanmoins respecter le principe de proportionnalité et ne peuvent être ordonnées que s’il n’existe aucun autre moyen disponible dans un délai raisonnable pour atteindre l'objectif de défense nationale. Elles cessent dès qu’elles ne sont plus nécessaires.
À l’issue des périodes obligatoires, les salariés bénéficient d’une réintégration dans leur entreprise, comme le prévoit l’article L3142-71 du Code du travail. Lorsqu’un salarié du secteur privé est réquisitionné par une autorité, son contrat de travail est suspendu mais non rompu.
Bien que la réquisition soit une mesure impérative, elle n'est pas exempte de contrôle juridictionnel. Les personnes réquisitionnées ont la possibilité de contester la régularité de l’acte de réquisition devant les juridictions administratives, notamment si elles estiment que les conditions de proportionnalité ou de nécessité ne sont pas respectées.
Le droit de retrait, qui permet à un travailleur de se soustraire à une situation dangereuse, n’est pas clairement défini dans le cadre des réquisitions. En tant que civil réquisitionné, l’individu ne bénéficie pas des mêmes protections que les militaires, pour qui ce droit est encadré. Bien que les militaires puissent, dans certaines conditions, exercer leur droit de retrait, les civils réquisitionnés se voient souvent refuser ce droit dans les situations de crise, notamment lorsque les impératifs de défense nationale priment.
L'article L4131-1 du Code du travail stipule que tout travailleur peut se retirer d'une situation présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Cependant, ce droit s'exerce uniquement dans le cadre d'une relation de travail active. Ainsi, si le contrat de travail est suspendu en raison d'une réquisition, le droit de retrait ne s'applique pas. En revanche, si la réquisition est initiée par l'employeur, la question de l'applicabilité du droit de retrait peut se poser. En pratique, la réquisition d'un salarié du secteur privé suspend le contrat de travail en raison de son caractère impératif, rendant difficile pour le salarié d'invoquer le droit de retrait contre l'autorité à l'origine de la réquisition. Toutefois, si la réquisition est effectuée par l'employeur, l'application du droit de retrait pourrait être envisagée.
Les militaires peuvent exercer un droit de retrait en cas de danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé, selon l’article R4123-57 du Code de la défense. Ce droit s’applique aux activités similaires à celles d’un personnel civil et doit être signalé à un supérieur. Toutefois, il ne doit pas créer de nouveaux risques pour autrui. Aucune sanction ni retenue sur solde ne peut être appliquée si le danger est avéré. Néanmoins, certaines missions liées à la défense ou à la sécurité peuvent restreindre son application.
Il convient de souligner que l’alinéa 7 de cet article indique que ce droit de retrait ne saurait s’exercer dans « une activité relevant des particularités mentionnées à l’article R4123-54 ». Autrement dit, lorsqu'une activité est liée aux missions de défense nationale, de sécurité intérieure ou de sécurité civile, les contraintes opérationnelles priment. L'autorité d'emploi doit veiller à la sécurité et à la santé physique et mentale des militaires, en adaptant les mesures de protection à l'environnement spécifique de la mission. De même, un civil réquisitionné pourrait voir son droit de retrait limité en raison de ces impératifs, bien que des ajustements doivent être faits pour garantir sa sécurité.
Il est légitime de s'interroger sur le statut du civil réquisitionné : Adopte-t-il le statut militaire et peut-il exercer un droit de retrait, tel que prévu par le Code de la défense ? La réquisition, en tant qu'outil de mobilisation des ressources, repose sur un équilibre délicat entre l'intérêt général et la protection des droits individuels. Si le civil réquisitionné n'adopte pas un statut militaire, il est soumis à des obligations qui limitent l'exercice de droits comme celui de retrait. Ce point soulève des questions quant à la clarté des textes et la protection des réquisitionnés dans les situations de crise.