Alors que les compétitions internationales d’e-sport se multiplient et que la France accueille régulièrement des événements majeurs, l'e-sport continue sa structuration juridique en France. Après la publication par le Gouvernement de sa stratégie nationale « E-sport 2020-2025 », une nouvelle proposition de loi « pour un e-sport responsable et attractif » a été enregistrée à l'Assemblée nationale le 18 novembre 2025 qui vise à sécuriser et moderniser l’environnement juridique de l’e-sport en France.
L’article 3 de la proposition de loi constitue sans doute l’innovation majeure de ce texte, dans la mesure où il entend autoriser l'organisation de compétitions d'e-sport en ligne avec des droits d’entrée (frais de participation). Cette ouverture aurait vraisemblablement un impact significatif sur l’impact économique des compétitions d’e-sports en France.
Pour rappel, le cadre juridique actuel interdit de rendre payant l’accès aux compétitions de jeux vidéo intégralement en ligne et offrant des récompenses (« cash prizes ») aux termes de l’interdiction des jeux d’argent et de hasard (Article L.320-1 et suivants du Code de la sécurité intérieure). Seules les compétitions en la présence physique des participants peuvent engendrer des frais de participation pour les joueurs sous réserve que le total des frais de participation ne soit pas supérieur au coût de l’organisation de la compétition (Article L.321-9 du Code de la sécurité intérieure).
Le nouvel article 3 viserait ainsi à élargir l’autorisation de toutes les compétitions e-sport, qu’elles soient physiques ou en ligne, tout en renvoyant à un décret la précision des modalités d’organisation afin de prévenir tout risque qui leur serait associé (contrôle de la triche, vérification de l’âge des participants etc.).
L'objectif affiché est donc d’étendre l’ouverture des compétitions d’e-sport tout en prévenant les risques (triche, vérification d'âge), un sujet récurrent pour l'intégrité des compétitions en ligne.
La loi n°2022-296 du 2 mars 2022 avait modifié la loi n°2016-1321 pour une République numérique en intégrant des conditions d'honorabilité pour exercer des fonctions d’animation, d’enseignement ou d'encadrement d’une activité (notamment des joueurs) de jeux vidéo (art. 102-1 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016). Or, faute de décret, ces obligations n’ont jamais été appliquées. En vue de la future publication du décret, l’article 2 de la proposition de loi vise à apporter des précisions quant aux exigences d’honorabilité, avec des propositions de sanctions et d’interdiction en cas de méconnaissance des règles applicables.
En pratique peu utilisé, le contrat de travail à durée déterminée « e-sport » serait supprimé par l'article 5 de la proposition. Ce contrat à durée déterminée serait remplacé par un contrat dont les caractéristiques et les clauses obligatoires seront définies par décret en Conseil d’Etat. La proposition maintient cependant l’agrément du ministre chargé du numérique. L’exposé des motifs de la proposition laisse entendre que ce contrat sera plus souple et adapté aux réalités de l’e-sport.
Face à des pratiques hétérogènes et au développement d’un marché des transferts et de la représentation des joueurs e-sports professionnels, l’article 6 vise à conditionner l'activité d'agent e-sport à l’obtention d’une licence professionnelle, de manière similaire à l’activité d’agent sportif, afin de garantir la compétence et la probité des agents, mais aussi pour protéger les joueurs et les clubs et prévenir notamment les conflits d’intérêts. La proposition de loi prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application, les conditions d'obtention, de suspension et de retrait de la licence d’agent, ainsi que le montant maximal de la rémunération de l’agent au regard du contrat signé par le joueur.
La proposition de loi prévoit d’intégrer dans le Code de la sécurité intérieure des dispositions proches à celles relatives à la sécurité des manifestations sportives pour prévenir les dérives et incidents, et garantir à la fois les joueurs, les spectateurs et les organisateurs. L’article 4 vise ainsi notamment à garantir un accès sécurisé aux compétitions de jeu vidéo, interdire et sanctionner les comportements violents ou discriminatoires, encadrer la consommation d’alcool et l’introduction d’objets dangereux, et permettre aux autorités judiciaires de prononcer des interdictions d’accès aux événements e-sportifs à l’encontre des fauteurs de troubles, à l’image des interdictions de stade.
L’article 1 de la proposition de loi vise à introduire dans la loi l'accès au passeport talent pour joueurs et entraîneurs d'e-sport étrangers, jusque-là admis par une instruction interministérielle, sécurisant ainsi l'attractivité de la France pour les talents étrangers.
Parmi les nouveautés introduites par la proposition de la loi, cet article vise à créer un cadre d'accompagnement adapté aux jeunes joueurs e-sports afin de leur « permettre de concilier formation, pratique compétitive et construction d’un projet de vie durable ». L’article 7 prévoirait de consacrer l’existence de centres de formation dédiés (avec agrément, des conventions de formation etc.), et d’instaurer une liste officielle de joueurs e-sportifs de haut niveau, leur ouvrant l’accès aux dispositifs de soutien prévus pour les sportifs de haut niveau.
Le texte est encore sous forme de proposition et n’a pas encore été débattu. Etant donné sa date de proposition, il ne sera vraisemblablement pas examiné avant 2026. Son avenir et son contenu final sont donc à ce stade incertains.